La résistance aux antibiotiques, une problématique majeure pour les animaux et les humains
L'antibiorésistance est une problématique majeure à la fois pour la santé humaine et animale. L'émergence et la diffusion de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques remettent en question l’efficacité de ces traitements. Préserver l’efficacité des antibiotiques constitue donc un réel défi de santé publique, qui nécessite une approche intégrée selon le concept One Health, une seule santé humaine et animale.
D'où vient l’antibiorésistance ?
Les antibiotiques, des substances luttant contre les bactéries responsables d’infections, ont commencé à être utilisés à grande échelle après la Seconde Guerre mondiale. Ils ont permis des avancées médicales majeures, permettant de traiter des maladies jusqu’alors incurables et d’augmenter l’espérance de vie humaine de plus de dix ans. Mais leur usage fréquent et parfois injustifié (traitements trop courts, trop longs, doses inadaptées), tant en médecine humaine que vétérinaire a favorisé l’apparition de bactéries résistantes à ces traitements, en sélectionnant des souches capables de survivre aux antibiotiques.
Aujourd’hui de nombreuses bactéries résistent à plusieurs antibiotiques (multirésistances). Ce phénomène remet en cause l’efficacité des traitements disponibles et menace la santé humaine et animale. Dans certaines situations, plus aucun antibiotique n’est efficace contre une bactérie, ce qui conduit à des impasses thérapeutiques.
Une problématique globale
Certaines bactéries résistantes peuvent se transmettre des animaux aux humains et inversement. Des bactéries porteuses de gènes de résistance aux antibiotiques sont également retrouvées dans l’environnement. La lutte contre l’antibiorésistance nécessite donc une approche globale, incluant l’Homme, les autres animaux et l’environnement. Préserver l’efficacité des antibiotiques nécessite un usage raisonné et un suivi scrupuleux de leur utilisation, ainsi que de l’apparition et de la diffusion des résistances à ces substances, tant pour les humains que pour les animaux.
Quel est le rôle de l’Anses dans la lutte contre l’antibiorésistance ?
L’Anses est chargée de la surveillance de l’antibiorésistance en médecine vétérinaire, que ce soit en lien avec l’élevage, l’alimentation ou l’environnement.
Surveiller et étudier la présence de résistances bactériennes chez l’animal
Le laboratoire national de référence sur la résistance antimicrobienne
L’Anses est Laboratoire national de référence sur la résistance antimicrobienne. À ce titre elle surveille la résistance des bactéries pouvant contaminer l’Homme via l’alimentation d’origine animale, dans le cadre de plans de surveillance harmonisés au niveau européen.
L’Agence met en particulier en œuvre des plans de surveillance annuels, pilotés par le ministère en charge de l'agriculture et de l'alimentation, qui permettent de suivre l’évolution de la situation au niveau national et européen. Le LNR valide également les méthodes autorisées pour tester la résistance des bactéries d’origine animale aux antibiotiques d’importance critique pour l’Homme.
Comment fonctionne le plan de surveillance mis en œuvre par le LNR ?
La surveillance se focalise sur des bactéries « sentinelles », comme Escherichia coli ou celles responsables d’infections chez l’Homme, comme les salmonelles et les campylobacters. Les prélèvements sont réalisés sur des animaux sains destinés à l’alimentation humaine.
Selon les bactéries et les filières d’élevages, les prélèvements sont effectués en élevage (prélèvements sur les surfaces), à l’abattoir (dans le contenu intestinal) ou à la distribution (dans les viandes). L’échantillonnage est aléatoire et réparti tout au long de l’année sur l’ensemble du territoire national. Chaque année, les résultats sont publiés au niveau français par la DGAL et au niveau européen par l'EFSA, l'agence européenne de la sécurité de l’alimentation.
Depuis le début du suivi, de plus en plus de souches d’Escherichia coli sont sensibles à tous les antibiotiques testés, quelles que soient les espèces animales d’origine. La situation est plus variable pour les salmonelles et les campylobacters, selon les conditions de prélèvements, les espèces animales et les antibiotiques testés.
Le Résapath
Depuis 1982, le Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Resapath) surveille l’évolution des résistances aux antibiotiques chez l’ensemble des espèces animales en France.
Le réseau Résapath a pour objectifs de suivre les tendances d'évolution de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries d’importance en santé animale (dont Escherichia coli), de détecter l’émergence de résistances à des antibiotiques et d'en caractériser les mécanismes au niveau moléculaire. Il apporte également un soutien méthodologique et scientifique à l'ensemble de ses acteurs.
Depuis le début du suivi, le taux de résistance aux antibiotiques a diminué de façon plus ou moins forte selon les filières animales et les antibiotiques. De même, les souches d’Escherichia coli sont de moins en moins multirésistantes (c’est-à-dire résistantes à au moins trois antibiotiques). La vigilance ne doit cependant pas être relâchée, car depuis 2018, la tendance s’est inversée chez certaines espèces : le taux de résistance aux antibiotiques a augmenté légèrement chez les chiens, les chats et les chevaux et chez cette dernière espèce, les E. coli multirésistantes sont en augmentation.
Suivre l’exposition des animaux aux antibiotiques
Le suivi des ventes d’antibiotiques à usage vétérinaire permet d’évaluer l’exposition des animaux aux antibiotiques et de suivre l’évolution des pratiques chez les différentes espèces animales. Les informations recueillies sont un élément indispensable pour permettre une évaluation des risques liés à l'antibiorésistance, en complément du suivi de la résistance bactérienne.
Comment fonctionne le Résapath ?
Le réseau est animé par les laboratoires de l'Anses (de Lyon et de Ploufragan-Plouzané-Niort). Il fédère plus de 70 laboratoires départementaux volontaires. Dans le cadre de leur activité de praticien, les vétérinaires sont amenés à procéder à des prélèvements sur des animaux malades, pour isoler des bactéries et réaliser des tests de résistance aux antibiotiques (antibiogrammes). Ces données sont ensuite remontées au Résapath. Le suivi porte principalement sur la bactérie Escherichia coli, qui est indicatrice de l’antibiorésistance, car elle est un réservoir connu de gènes de résistance, qu’elle peut transmettre à d’autres bactéries.
Entre 2011 et 2020, l’exposition globale des animaux aux antibiotiques a diminué de 45,4 %. Les objectifs des plans EcoAntibio (2012-2016), qui visait une réduction de 25 % de l’usage des antibiotiques en 5 ans, puis du plan EcoAntibio 2 (2017-2021), qui avait pour objectif d’inscrire cette baisse dans la durée, ont été atteints. Le plan EcoAntibio 2 visait également la réduction de moitié de l’utilisation de la colistine, un antibiotique utilisé fréquemment en médecine vétérinaire et réservé aux cas sévères en médecine humaine. Cet objectif a également été atteint, puisque cette diminution était de 66% en 2020, par rapport au niveau de référence de 2014-201
Les antibiotiques d’importance critique
Certains antibiotiques sont considérés d’importance critique pour la santé humaine, car ils sont les seuls ou parmi les seuls à pouvoir soigner des maladies graves chez l’Homme. Leur utilisation est donc réglementée en médecine vétérinaire et ne doit être faite qu’en dernier recours. Après une forte baisse observée entre 2013 et 2016, l’exposition aux fluoroquinolones et aux céphalosporines de 3ème et 4ème générations semble se stabiliser.
Évaluer les risques liés à l'antibiorésistance dans le cadre de la mise sur le marché d’antibiotiques vétérinaires
L’ANMV autorise la mise sur le marché (AMM) en France des médicaments vétérinaires antibiotiques. Dans ce cadre, elle expertise leur qualité, leur efficacité et leur innocuité pour l’animal, pour l’utilisateur (sécurité lors de leur administration), pour le consommateur d’aliments d’origine animale et pour l’environnement, en prenant en compte le risque de développement de résistance. Elle assure en outre le suivi de ces médicaments après leur mise sur le marché.
Étudier la présence d’antibiotiques et de bactéries résistantes dans l’environnement
L’Anses a rendu en novembre 2020 une expertise sur la présence d’antibiotiques et de bactéries résistantes dans l’environnement. Contrairement aux animaux et à l’Homme, la part de l’environnement dans l’émergence et la diffusion de l’antibiorésistance est peu étudiée. Il s’agissait de faire un premier état des lieux des contaminations des milieux aquatiques et terrestres en France par les antibiotiques, les bactéries résistantes pathogènes pour l’Homme et les gènes de résistance aux antibiotiques. Les mécanismes qui favorisent l’émergence et le maintien de l’antibiorésistance dans l’environnement ont également été étudiés.
Mener des recherches pour mieux surveiller et comprendre l’antibiorésistance
Les laboratoires de l’Anses mènent également de nombreux travaux de recherche qui permettent une meilleure connaissance de la résistance aux antibiotiques.
Ces travaux peuvent viser à améliorer la surveillance de l’antibiorésistance, par exemple en améliorant les méthodes de détection des bactéries résistantes et le fonctionnement des systèmes de surveillance.
D’autres travaux ont pour objectif de mieux comprendre comment sont sélectionnées et disséminées les bactéries résistantes aux antibiotiques. Pour cela, ils adoptent une approche globale, tenant compte des humains, des animaux et de l’environnement.
Des activités de référence au niveau international
L’Anses est centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) sur les médicaments vétérinaires et centre de référence pour la résistance antimicrobienne pour la l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans le cadre de ces mandats, l’Agence a un rôle de conseil auprès de ces institutions et d’appui aux États membres pour garantir un usage raisonné des antibiotiques en médecine vétérinaire et diminuer l’antibiorésistance.