28/06/2024
Vie de l'agence
7 min

Interview croisée enquête nationale Albane pour la surveillance de la santé

Ces derniers mois, l’Anses et Santé publique France finalisent activement le lancement d’Albane. Cette grande enquête nationale permettra de collecter, selon des cycles de deux ans portant sur des échantillons représentatifs de la population âgée de 0 à 79 ans, des données de santé, d’exposition aux substances chimiques, de consommation alimentaire et d’activité physique. Albane appuiera les missions des deux agences et permettra la production d’indicateurs utiles au suivi de l’efficacité des politiques publiques dans les champs investigués. Interview croisée avec Sébastien Denys directeur Santé-Environnement-Travail à Santé publique France et Éric Vial directeur de l’évaluation des risques à l'Anses.

Avant Albane, il y a eu d’autres études populationnelles d’ampleur nationale menées par l’Anses et Santé publique France, quelles sont-elles ?

ÉRIC VIAL. L’Anses a en effet à son actif plusieurs grandes études qui ont permis d’analyser et d’estimer le risque sanitaire lié aux différents contaminants présents dans les aliments et d’apprécier les risques et les bénéfices nutritionnels liés à diverses consommations. Explorer les pratiques alimentaires de la population et son état nutritionnel est en effet nécessaire pour mieux
expliquer et prévenir certaines maladies non transmissibles telles que le cancer, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires.

L’Anses a réalisé plusieurs études individuelles nationales des consommations alimentaires (Inca), espacées de huit ans ; la dernière ayant été finalisée en 2015. Notre agence conduit également des études d’alimentation totale (EAT), visant à surveiller l’exposition des populations à des substances chimiques présentes dans les aliments. Ces grandes études permettent d’apporter
des données essentielles pour mener nos évaluations de risques et permettre aux autorités sanitaires d’ajuster les mesures de
santé publique prises dans le domaine de l’alimentation. 

SÉBASTIEN DENYS. Santé publique France a notamment pour mission la surveillance de la santé de la population française. Pour cela, l’Agence déploie différents outils, dont des enquêtes avec examen de santé. Par exemple, l’enquête Esteban a été conduite entre 2014 et 2016 sur un échantillon représentatif de la population générale âgée de 6 à 70 ans. Elle a permis de collecter différents indicateurs de santé (asthme, allergie, maladies cardio-vasculaires, etc.) et d’exposition aux substances chimiques
dans la population française. Les résultats sur l’exposition aux substances chimiques via l’alimentation ont été croisés avec les résultats de l’Anses issus des études Inca et EAT et ont permis d’approfondir l’interprétation des niveaux d’exposition mesurés, l’alimentation étant une source majeure d’exposition pour nombre de contaminants chimiques. De manière générale, ces grandes enquêtes permettent de suivre dans le temps les expositions de la population et de mesurer l’efficacité des politiques publiques déployées.

L’étude Albane prend la suite des études Esteban et Inca et va au-delà de leur simple fusion. Que va-t-elle apporter ?

ÉRIC VIAL. Le projet a vu le jour en 2018. Il poursuivait plusieurs objectifs, dont celui de renforcer le partage et le croisement des données entre agences, pour plus d’efficience en matière d’étude des liens entre les déterminants individuels, alimentaires, environnementaux et la santé des populations. Il s’agissait également de mieux répartir le suivi et la charge de travail dans le temps. Avec des cycles consécutifs plus courts – deux ans contre huit pour les études Esteban et Inca –, Albane apporte plus de flexibilité pour étudier les tendances et les phénomènes émergents, en termes d’expositions ou d’apparitions de pathologies.

SÉBASTIEN DENYS. Réunir nos études était cohérent et présentait de nombreux avantages. Outre un intérêt évident d’optimisation des moyens, cela permet de pérenniser un dispositif d’enquête nécessitant d’importants budgets et mobilisations dans chacune de nos agences. Par ailleurs, avec Albane, nous nous rapprochons des standards reconnus internationalement
et de dispositifs existant à l’étranger (Allemagne, Canada, États-Unis), nous autorisant des comparaisons avec les mesures
menées à l’international. En 2025, l’étude couvrira la France métropolitaine et il est envisagé d’inclure les territoires outre-mer à partir de 2028. De plus, le fait d’échantillonner plusieurs fois les mêmes régions au cours des différents cycles nous permettra à terme d’estimer certains indicateurs de l’enquête à une échelle régionale, et de venir ainsi en appui des politiques de santé publique déclinées à l’échelle des territoires, ce que n’a pas permis Esteban, par exemple. 

Comment cela va-t-il se passer concrètement ?

ÉRIC VIAL. Que ce soit pour l’élaboration des protocoles d’enquête puis l’exploitation des données, l’Anses sera responsable du volet alimentation de l’étude, Santé publique France (SpF) du volet biosurveillance et santé. Les questions liées à la nutrition seront partagées entre les deux agences. SpF assurera également la mise en oeuvre logistique de l’enquête et les relations
avec l’institut d’études en charge du « recrutement » des participants. Avant de lancer le premier cycle, nous démarrerons par une phase pilote. Il est prévu qu’elle ait lieu entre septembre et décembre 2024, et concernera près de 200 personnes
tirées au sort. Elle permettra de mesurer le taux de participation, de tester les questionnaires et l’organisation de manière générale. Nous aurons ensuite quelques mois pour ajuster le dispositif pour le lancement de l’étude, prévu au printemps 2025.

SÉBASTIEN DENYS. Albane n’a pas d’équivalent en France. Nous recherchons l’adhésion la plus grande possible des participants, c’est fondamental pour avoir des données de suivi de qualité et qui intéressent l’ensemble des paramètres de l’enquête. Nous avons par conséquent tout fait pour faciliter leur participation, par exemple avec des outils adaptés tels que les questionnaires
auto-administrés. Albane pose des défis juridiques, administratifs, informatiques, etc., il s’agit d’assurer le respect des règles RGPD, la sécurité des données, la robustesse des statistiques, la conformité des flux de données avec les prestataires, etc. Il nous a fallu être inventifs et répondre à des questions qui ne se posaient pas jusqu’alors. Cette collaboration entre agences nous
permet d’aller encore plus loin et d’être au plus près de la réalité de l’état de santé des populations.